L’Inspection du travail l’affirme : 393 personnes ont été exposées à l’amiante après l’incendie à ArcelorMittal Dunkerque en 2023

Le 30 mars 2023, une explosion est entendue autour du site d’ArcelorMittal Dunkerque. Un incendie se déclare dans le haut-fourneau numéro 4 (en image). – Photo Marc Demeure
Ci-dessous l’article paru aujourd’hui dans la Voix du Nord concernant l’exposition à l’amiante de plusieurs centaines de personnes sur le site Arcelor Mittal de Dunkerque entre avril et mai 2023. Parmi elles, l’inspection du travail relève 85 salariés directement exposés dont 36 cordistes de la société NORD ACCESS et 14 de la société ALTITUDE 44.
Contre ces sociétés et l’ensemble des autres entreprises sous-traites concernées, l’inspection du travail reproche le fait d’avoir exécuté des travaux en n’exigeant pas la production d’un rapport de repérage de l’amiante avant travaux.

Article paru le 12 novembre 2025 dans La Voix du Nord
 
 
Dans un procès-verbal, que « La Voix du Nord » a pu consulter, l’Inspection du travail affirme que le sidérurgiste était au courant des risques encourus par les centaines de personnes présentes sur le chantier de réparation du haut-fourneau numéro 4.
 
Jeudi 30 mars 2023, une fumée noire se propage dans le ciel au-dessus du site ArcelorMittal à Dunkerque. Il est environ 14h40 et le haut-fourneau numéro 4 (HF4) est victime d’un incendie d’ampleur. Des mesures d’urgences sont prises pour « sécuriser » le HF4, afin d’éviter le risque d’une réelle explosion. Plus d’une heure après, vers 15 h 30, les autorités déclarent qu’il n’y a plus de danger et lèvent le dispositif de sécurité autour du site.
 

UNE DOUBLE ENQUÊTE

Très rapidement, ArcelorMittal réagit en assurant qu’une enquête interne se chargera de déterminer les raisons de ce sinistre. « Il va falloir évaluer les dégâts et il est encore trop tôt pour dire combien de temps le HF4 devra rester à l’arrêt », complète la direction. Ce haut-fourneau est stratégique pour l’entreprise : avec une capacité de production de 10 000 tonnes de fonte par jour, il est le plus puissant du site.
Dans le même temps, l’Inspection du travail démarre son enquête avec une motivation bien précise : « l’exposition à l’amiante des travailleurs sur le haut-fourneau 4 du site ArcelorMittal à Dunkerque. » Il aura fallu deux années pour qu’elle se prononce officiellement sur le sujet.
 

EXPOSITION DURANT LA MAINTENANCE DU SITE

Dans un procès-verbal en date du 19 juin dernier, que La Voix du Nord a pu examiner, l’inspectrice en charge des investigations évoque, avec précision, le rôle des différentes entreprises intervenues pour des travaux de réparation du HF4. À l’instar de Nord Access, spécialisée dans la maintenance industrielle, qui a œuvré dans la halle sud du haut-fourneau pour des « travaux de dépose de la toiture et de la charpente. »
Dans son rapport, l’Inspection du travail établit que 36 salariés de cette entreprise ont été « exposés à de l’amiante » sur une période allant du 1er avril au 25 mai 2023. « Il est avéré que les zones sur lesquelles ils ont travaillé comportaient des matériaux amiantés sur lesquels ils sont intervenus par des opérations émissives en poussières, peut-on lire dans les conclusions, sans mesure de prévention spécifique au risque amiante. »
Les sociétés Altitude 44 (14 travailleurs), Harsco (15), SNEF (13) et BSL Steel (7) sont toutes citées au côté de Nord Access. Elles ont également participé aux différents chantiers (électricité, toitures, démontage, etc) entre avril et début juin 2023.

« Le risque d’exposition était avéré et connu du donneur d’ordre (ArcelorMittal), qui connaissait ses obligations et ses installations. »

L’Inspection du travail, dans le compte rendu de son enquête après l’incendie du haut-fourneau 4 en mars 2023.
Afin de procéder au rallumage de son haut-fourneau, le site d’ArcelorMittal Dunkerque était totalement à l’arrêt durant plusieurs heures. En image, les installations ArcelorMittal Dunkerque en juin 2025. – Photo Johan Ben Azzouz

UN CHIFFRE ARRÊTÉ

« 85 salariés des cinq entreprises extérieures ont été identifiés par notre enquête comme ayant été victimes d’une exposition directe à l’amiante », insiste l’inspectrice en charge des investigations sur ce dossier. Toutefois, ce bilan est loin d’être définitif. Car, de son côté, ArcelorMittal dénombre 308 salariés exposés « indirectement » (sur une période s’étalant du 30 mars 2023 au 25 mai 2023) à la pollution environnementale générée par l’intervention des opérateurs externes, lors des travaux de réparation du HF 4.
Dans le chiffre recensé par le sidérurgiste, on retrouve des personnes employées dans trois différents services de maintenance (centrale, hauts-fourneaux, traversante), service de fonte exécution, de support fonte ou encore des pompiers (présents quotidiennement sur le site). Au total, ce sont donc 393 personnes (entreprises extérieures et salariés ArcelorMittal) qui ont été exposées à l’amiante dans les mois qui ont suivi l’incendie.
 
 

ARCELOR MITTAL ÉTAIT-IL AU COURANT ?

Sur ce point névralgique, l’Inspection du travail appuie ses positions et l’assure sans détour : « Le risque d’exposition était avéré et connu du donneur d’ordre(ArcelorMittal), qui connaissait ses obligations et ses installations. » En fin de rapport, l’inspectrice dresse la liste des infractions commises, selon elle, par ArcelorMittal envers les différentes parties (sociétés externes et salariés). Et à chaque fois, elle précise les articles du Code du travail dont pourraient relever les faits évoqués dans ses conclusions.
Avant d’ouvrir la porte à une éventuelle suite dans ce dossier : « Il est relevé à l’encontre de M. Jacques-Yves Floch (dirigeant à cette période le site de Dunkerque, il a quitté l’entreprise en octobre 2024), en tant que personne physique, et à l’encontre de la personne morale ArcelorMittal France, un procès-verbal qui a été transmis à la procureure de la République de Dunkerque », ponctue l’Inspection du travail. Le dossier est maintenant entre les mains du parquet(1) qui devra statuer sur les poursuites, ou non, à mener dans cette affaire.


(1) Le parquet n’avait pas encore donné suite à notre sollicitation au moment de la publication de cet article.


ARCELOR MITTAL EXPOSE SA VERSION
En milieu d’après-midi, le leader européen de l’acier a livré sa première réaction à La Voix du Nord. « À la suite de l’incendie, des travaux très importants ont démarré dès le lendemain. Il s’agissait d’un chantier exceptionnel, mené dans un contexte de risques majeurs : risque d’explosion, risque d’écroulement, et émissions persistantes de monoxyde de carbone par le haut-fourneau », détaille ArcelorMittal, avant de poursuivre : « Dans l’urgence, il a été procédé à des travaux de démontage sur des structures métalliques endommagées par l’incendie. Certaines de ces structures étaient revêtues de peintures très anciennes. Après analyse, il s’est avéré que ces peintures comprenaient 2 % d’amiante », assure ArcelorMittal.
Le sidérurgiste reconnaît que « certains des salariés d’entreprises intervenantes ont pu être exposés à des poussières contenant potentiellement de l’amiante présente dans les peintures. Dès l’information, ArcelorMittal France a immédiatement arrêté le chantier et l’a repris avec les conditions réglementaires requises. » Interrogé sur les suites éventuelles dans cette affaire, ArcelorMittal indique que le groupe « ne souhaite pas apporter de commentaire, ce dossier étant toujours en cours ».

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