JT 19/20, France 3 Pays-gardois, 14/04/2022
Ne pas condamner EIFFAGE reviendrait à ouvrir une brèche dans le principe de priorité des moyens de protection collective sur les chantiers.
Jeudi 14 avril à Nîmes, s’est tenu le procès en appel de l’accident qui avait coûté la vie à Mickaël BECCAVIN en mars 2018 (lire ici le rappel des faits et de la procédure).
Finalement, seule l’entreprise EIFFAGE Construction Gard y aura été rejugée ce jour-là.
Le parquet n’a pas estimé opportun de ré-entendre la société SUD ACROBATIC qui avait choisi, de son côté, de ne pas faire appel de sa condamnation (4000 euros d’amende pour « réalisation de travaux sans remise d’un Plan particulier de sécurité et de protection de la santé » sans avoir à verser aucune indemnité aux proches de Mickaël).
Durant de longs débats empêtrés dans des considérations techniques, M Faure, le directeur d’EIFFAGE Construction Gard, a d’abord fait valoir, que son entreprise n’était pas responsable car le travail était réalisé par des sous-traitants. C’est eux qui seraient responsables. Il a ensuite tenté d’expliquer le bien fondé du recours aux travaux sur cordes plutôt que de mettre en place une nacelle ou un échafaudage. Une à une, sont égrainées les différentes possibilités de protection collective. De cet ensemble, ressort un point commun : il aurait fallu étayer les parkings qui devaient être livrés. Ce à quoi EIFFAGE s’est refusé.
L’association Cordistes en colère, cordistes solidaires, partie civile, questionne Mr Faure : « Y avait-il eu en amont une étude qui comparait, en nombre de jours-homme, l’exposition aux moyens de protection individuelle ? »
Pas à la connaissance de Mr Faure…
Les avocats de la famille de Mickaël rappellent qu’au milieu de toutes ces justifications techniques, restent des oubliés, la victime et ses proches, dont personne n’a encore parlé…
L’entreprise EIFFAGE oublierait-t’elle que derrière un dossier à défendre se cache un drame humain ?
L’avocat général alerte sur le fait que valider l’argument selon lequel l’entreprise EIFFAGE ne serait pas responsable du fait qu’elle n’était pas l’employeur direct, reviendrait à accepter qu’il est possible pour une entreprise de sous-traiter le risque. L’avocat général a requis à minima la confirmation du jugement de première instance : 100 000€ d’amende pour homicide involontaire. Ajoutant qu’il encourageait la cour à aller au-delà vu l’importance du groupe EIFFAGE, étant donné que le maximum prévu par les textes est de 225 000€.
L’ex-compagne et la mère de Mickaël se sont ensuite relayées pour rappeler à quel point Mickaël était courageux dans le travail, jamais il ne se plaignait. Mais quelques jours avant sa mort, toutes deux se souviennent qu’il évoquait un chantier où « c’était le bordel », un chantier mal organisé.
Madame Beccavin, sa mère, termine :
« Sa voix me résonne en tête : « Maman, je suis sur un chantier de merde ». Et depuis trois ans, ce chantier de merde me hante ».
L’avocate d’EIFFAGE, Maître Véronique Mazuru, s’est excusée en amont de ce qui allait suivre, et pour cause. Dans une plaidoirie de plus d’une heure, elle s’est attachée à démontrer l’indémontrable absence de responsabilité de son client. Selon elle, les responsables ce sont les sous-traitants, et aussi, la victime. Pendant de longues minutes elle s’improvise même médecin évoquant le lien entre un supposé malaise de Mickaël et les traces de THC retrouvées. Elle a demandé la relaxe.
Le directeur d’EIFFAGE termine sur ces mots :
« La première audience a été éprouvante pour moi. Je ne vais pas m’étendre mais je l’ai mal vécue et j’ai mis du temps à m’en remettre. »
Avant de s’arrêter en reconnaissant que cela en devenait indécent pour les proches présents dans la salle.
Le délibéré sera rendu le 2 juin prochain.
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REVUE DE PRESSE
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