Saint-Brieuc. Trois employeurs se renvoient la balle après la mort d’un cordiste breton
Un article de aru le 02/10/2020 sur Ouest-France
Faute inexcusable
Une audience au civil s’est tenue au tribunal de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), ce jeudi 1er octobre 2020. Trois employeurs étaient poursuivis pour faute inexcusable par la famille d’un jeune cordiste décédé dans l’entreprise Cristanol, à Bazancourt, dans La Marne, le 21 juin 2017.
L’accident
Ce jour-là, Quentin Zaraoui-Bruat, un jeune homme de 21 ans, originaire de Pluzunet (Côtes-d’Armor), intervient pour le compte d’Entreprise de travaux en hauteur (ETH), située dans le Pas-de-Calais, via la société d’intérim Cordial, basée à Rennes. À l’aide de cordes, il descend dans un silo de la distillerie pour décolmater des drêches (résidus du brassage des céréales). Le silo est aux deux tiers plein. À un moment, il s’aperçoit qu’une de ses deux cordes est coincée dans une trappe d’écoulement. Il se détache pour tenter de la dégager quand il est enseveli sous 370 tonnes de matière. Les trappes ont-elles été ouvertes puis refermées ? « Personne ne peut le dire, mais cela est vraisemblable, sinon Quentin ne se serait pas fait aspirer », explique Eric Louis, des Cordistes en colère, cordistes solidaires.
Un métier méconnu et dangereux
Les cordistes sont des hommes de l’ombre. Ces travailleurs aériens interviennent le plus souvent dans les centrales nucléaires, les chantiers navals, les parcs d’attractions, les silos ou pour sécuriser une falaise. Le cordiste œuvre toute la journée, harnaché d’un baudrier-sellette avec une corde de travail grâce à laquelle il se positionne et une corde de sécurité munie d’un système anti-chute. « Dans les silos, on travaille à la pelle, à la pioche et même au marteau-piqueur. » Un métier trop peu réglementé où l’on ne fait pas de vieux os tant les sciatiques, lombalgies, tendinites et blessures aux mains sont monnaie courante.
Homicide involontaire
La famille et l’association attendent beaucoup de l’ultime procès de l’accident de Quentin car, au pénal, seule ETH a été poursuivie et condamnée à 10 000 € d’amende avec sursis pour homicide involontaire. « Malgré l’enquête de l’inspection du travail, Cristanol, l’ancienne filiale du groupe sucrier Cristal Union, n’a pas été citée à comparaître. Il s’agit là d’une volonté politique car c’est un gros employeur de la région. Pourtant, on dénombre six décès de cordistes dans leurs sites », assure le Picard.
À qui la faute ?
À l’audience de ce jeudi, les trois entreprises se renvoient la balle. L’avocat du groupe Proman (Cordial) estime que la société d’intérim « n’a commis aucun manquement dans la survenance de cet accident puisqu’elle n’était pas présente sur les lieux » et rejette la faute sur ETH. Pour cette dernière, Me Lacroix affirme que Cordial était l’employeur de « la victime qui a commis une faute intentionnelle de sécurité en se détachant ». Quant à Me Moreau, l’avocate de Cristal Union, elle estime que sa cliente avait confié le décolmatage « à ETH qui a fait appel à Cordial ». Et d’ajouter que le tribunal n’a pas compétence à juger Cristal Union puisque cette dernière n’a pas été poursuivie au pénal « car soi-disant protégée, mais ce n’est pas vrai ».
Mis en délibéré, le jugement sera prononcé le 26 novembre 2020.
Source : Ouest-France