Sont autant de mots qui s’accordent pareil au féminin et au masculin. Cependant, sur le terrain, nous, cordistes meufs, subissons des inégalités de traitement. À l’instar de nos collègues hommes nous avons une voix à élever et des revendications à faire entendre.
Si nous représentons 2% de la profession, chacune est consciente de l’environnement essentiellement masculin dans lequel elle évolue. Parce que nous sommes doublement exploitées, nous sommes en première ligne dans la lutte pour nos conditions de travail. Soyons uni.es sur les sujets qui touchent tou.te.s les cordistes mais aussi sur nos revendications spécifiques.
Nous soulevons quatre points qui touchent particulièrement les meufs de la corde :
• Les vêtements de travail et les EPI. Cet aspect concerne d’ailleurs toutes les morphologies hors norme. L’équipement c’est la base, notre efficacité et notre sécu en dépendent. Les gants en taille 7 existent, les baudriers taille 0 ou les chaussures en 36 existent. Pourquoi faut-il batailler pour en obtenir, que ce soit auprès des boîtes de corde ou d’intérim, voire les acheter de sa poche ?
Jeudi 27 et vendredi 28 juin, s’est tenu le championnat de France cordistes 2024 à Marseille. Même sans stand officiel autorisé, l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires était présente. L’occasion de rencontrer les collègues cordistes présents. L’occasion aussi d’y diffuser les dernières actualités du métier et des luttes en cours. L’occasion encore et toujours de revendiquer le respect de nos droits et de meilleures conditions de travail.
Ci-dessous la Gazette qui y a été diffusé au cours de ces deux jours.
Au sommaire : – Notre présence pourquoi? Encore et toujours! – Données sur les accidents – Évolutions à venir dans les travaux sur cordes – Sexisme et virilisme dans la corde, les femmes cordistes ne l’acceptent plus – Vague de révolte sur les chantiers de l’Atlantique – Deux grèves à Profil, fraîchement racheté par le groupe Jarnias – Groupe NA : des salariés de Nord Access tirent la sonnette d’alarme – Les dernières publications – Grilles de salaires 2024, quel salaire négocier ? – Accidents de trajet : des droits à faire valoir
« On connaît les cordistes pour les innombrables images sensationnelles en haut de la tour Eiffel, à la rescousse de la cathédrale Notre-Dame, sur une cheminée industrielle ou au fond d’un silo. Mais ils peuvent aussi être accrochés à même la roche pour sécuriser des flancs de falaises abruptes. Aujourd’hui et de plus en plus, on sait que ces images cartes postales cachent un nombre particulièrement élevé d’accidents. Pour beaucoup, graves, et parfois même mortels… Mais sait-on que les chantiers de sécurisation de talus et falaises sont ceux qui tuent le plus nos collègues ? Face aux enjeux économiques et/ou d’accès pour les populations, on peut supposer que tous les moyens sont convoqués pour rouvrir une route ou une voie ferrée fermée à la suite d’un éboulement rocheux. Mais imagine-t-on que, très souvent, aucune étude, aucun moyen adapté n’ont été mise œuvre pour assurer la sécurité de celles et ceux qui sont envoyés au cœur du danger pour sécuriser ces falaises menaçantes ?
Quand, en 2022, deux de nos collègues (Benjamin et Jérôme) perdaient la vie, emportés par des éboulements rocheux, et que d’autres s’en sortaient gravement blessés, les premières réactions patronales et médiatiques évoquaient alors, par des tournures fatalistes, des accidents « imprévisibles ».
Mais la mort au travail peut-elle être une fatalité à accepter ? »
Au travers de la brochure que nous publions aujourd’hui, nous tentons d’analyser les multiples ressorts à l’origine des trop nombreux accidents de travail qui se produisent sur ces chantiers en milieux naturels. À la fois activité de niche et secteur en développement, les travaux de sécurisation de falaises et de talus sont de plus en plus en courant dans les départements présentant des reliefs escarpés. Notamment du fait des conséquences du changement climatique. Longtemps laissée à la charge quasi exclusive des entreprises chargées de la réalisation de ces travaux (travaux sur cordes pour la plupart), la gestion de la sécurité de ces chantiers nécessite pourtant des compétences et des moyens bien spécifiques. Les chutes de pierres et de masses rocheuses y constituant l’un des principaux risques, seuls des moyens et formations adaptés, ainsi que de réelles études géotechniques impliquant maître d’ouvrage, maître d’œuvre, bureaux d’étude, coordination SPS et entreprises de travaux pourraient permettre d’inverser cette lourde accidentologie. Pourtant aujourd’hui, et sur bien des chantiers, tout repose sur le fragile et hypothétique « pied montagnard » des cordistes. Avoir ou non une connaissance empirique de la montagne devient alors le seul rempart face à la loterie des vies emportées par les éboulements rocheux.
Donneurs d’ordre et employeurs n’hésitant pas à parler de « risques non-maîtrisables » qu’il conviendrait d’accepter au regard du caractère spécifique de ce type de chantiers. Mais alors, les dispositions du code du travail seraient-elle à géométrie variable selon le caractère d’exception ou non de tel ou tel chantier ?
La brochure qui suit à pour objectif de dresser un premier état de lieux de cette activité hautement accidentogène. Appelant d’autres études plus poussées. Appelant à une réelle prise de conscience et des mesures concrètes de la part des acteurs concernés.
Enfin, cette brochure est aussi pensée comme un outil de sensibilisation à destination de nos collègues cordistes. Notamment au travers des pages 13 à 15 listant les principaux risques en présence, avec des points d’alerte et de nombreuses références documentaires et réglementaires.
Car non, à notre question rhétorique posée plus haut, nous répondons avec force : jamais la mort au travail ne pourra être une fatalité à accepter !
DIMANCHE 9 JUIN à 13h30 60 rue Edmond Rostand, 13006, Marseille (métro Castellane)
Pourquoi un groupe local de cordistes ?
Pour se rencontrer, tisser un réseau de solidarité, se filer des conseils, se serrer les coudes en cas de besoin… Un groupe qui puisse réagir et intervenir sur le terrain des chantiers et entreprises du coin. Réagir collectivement en cas de litige avec un employeur. Faire valoir les droits et intérêts des cordistes salariés, intérimaires et indépendants. Se faire le relais local de l’association.
Mais aussi organiser prochainement une action ensemble.
Si vous habitez dans le coin de Marseille, y bossez le temps d’un chantier, venez faire un tour !
Suite à la causerie du 30 avril, les collègues cordistes profitent du 1er mai férié pour se réunir à plusieurs avec des membres de l’association Cordiste en colère cordiste solidaire, et faire le point sur les nombreux manquements de l’entreprise Altitude Services. La liste est longue. Pas moins de 31 points de revendications sont énumérés. Pas de procédure ni de kit pour le sauvetage, pas de modes opératoires, pas de note calcul pour les points d’ancrages, très peu d’embauché.es par rapport au nombre d’intérimaires (3-4 embauché.es sur près de 80 intérimaires !), un manque criant de matériel (1 sangle, 1 mousqueton fourni par intérimaire), pas de sellette (car c’est du confort [sic]), pas de deuxième descendeur pour trianguler, etc.
À cela, s’ajoute un très fort renouvellement des cordistes sur les Chantiers de l’Atlantique. Très peu de personnes ont une longue expérience de travaux sur cordes. Il n’est pas rare de voir des collègues qui sortent tout juste de formation se retrouver avec un.e chef.fe qui n’a que 1 ou 2 mois d’expérience sur chantier. Le nombre de CQP2 présents ne remplissent même pas les doigts d’une main. La quasi totalité des 80 intérimaires ne sont titulaires que du 1er niveau de formation ! Sans parler des nombreux presque-accidents et d’un manque de respect ouvertement assumé par une partie de l’équipe encadrante.
Le mardi 30 avril à 16h30, l’ensemble des cordistes sont convoqués par un responsable de la société Altitude Services sur les Chantiers de l’Atlantique. Pendant près de 20 minutes, il fait part d’un « message de la direction » suite au « petit mouvement de contestation fort désagréable ». En introduction, il prévient les cordistes que ce ne sera pas une discussion : Il va parler et qu’il va donc falloir l’écouter. Le ton est donné.
Il rappelle que les IGD ne sont en rien une obligation, la direction aurait en réalité fait un « cadeau » aux cordistes en leur accordant le paiement de ces deux IGD. Pourtant, la convention collective du bâtiment est claire, l’article 8.23 y stipule : « Le remboursement des dépenses définies à l’article 8.22 [indemnité de grand déplacement] est obligatoire pour tous les jours de la semaine, ouvrables ou non, pendant lesquels l’ouvrier reste à la disposition de son employeur sur les lieux du déplacement. »
Pour la plupart des collègues cordistes, leur lieu de résidence se trouve à plusieurs heures de routes et donc il est impossible de faire le trajet aller retour en une journée. La plupart d’entre eux ont alors été contraints de rester sur place.
La veille du procès de l’association accusée de diffamations par la société Jarnias, retrouvons-nous pour à nous organiser sur Paris et sa région !
Pourquoi un groupe local de cordistes ?
L’Île de France c’est LE coin en France où se concentrent le plus de chantiers sur cordes à l’année. Certains d’entre nous y vivent, et beaucoup d’autres viennent de loin pour y travailler le temps d’un chantier, d’une mission ou d’une saison. Parfois on s’y croise, mais souvent on reste paradoxalement presque autant isolé que n’importe où ailleurs. Pourtant, un tel nombre de cordistes au mètre carré est une force. Pourquoi rester seul en cas de conflit avec notre employeur alors que de nombreux collègues se trouvent souvent à peine à deux ou trois stations métro ? Un groupe local de travailleurs cordistes, ça permet de tisser un réseau de solidarité au plus près de là où l’on bosse, de nous filer des conseils, de nous serrer les coudes en cas de besoin… Un groupe qui peut permettre de réagir collectivement en cas de litige avec un employeur. Un groupe qui peut permettre de faire valoir les droits et intérêts des cordistes salariés, intérimaires et indépendants.
RDV donc LUNDI 27 MAI dès 18h !
Ça se passera au : EL ZOKALO Bar ( 49 rue Pixérécourt, PARIS 20ème)
Le lundi 29 avril 2024, plusieurs dizaines de cordistes intérimaires sur le chantier naval de St Nazaire apprennent que leurs Indemnités de Grand Déplacement (IGD) du mardi 30 avril ainsi que du mercredi 1 er mai risquent de ne pas être payées, sous prétexte que le mercredi férié n’est pas travaillé. Tous travaillent pour l’ancienne entité Altitude 44 du nouveau groupe Altitude Services.
Après avoir pris connaissance de cela, plusieurs collègues se réunissent à la pause de midi pour discuter et savoir ce qu’il est possible de faire pour obtenir ce qui leur est dû de droit. Au retour de la pause, une vingtaine d’intérimaires (aucun CDI n’a pris part à la discussion) décident de ne pas retourner travailler (sans dire le mot grève) avant de savoir ce qu’il en est des IGD. Un des intérimaires appelle le responsable technique et chef de chantier d’Altitude 44 aux Chantiers de l’Atlantique, et l’informe que les cordistes intérimaires ne reprendrons pas le travail tant que la situation ne sera pas claire et réglée.
Malgré la réponse floue du responsable, l’ensemble de l’équipe décide de reprendre le travail à 14h dans l’attente d’une réponse. Ils font cependant comprendre qu’en cas de réponse négative, ils refuseront de travailler le lendemain, mardi 30 avril.
Nous venons de recevoir ce communiqué par mail. Signé « Des cordistes énervé.es auto-organisé.es« , ces cordistes relatent plusieurs actions menées à l’occasion du 28 avril, journée internationale de la santé et la sécurité au travail. Des banderoles auraient notamment été hissées près de Marseille, Grenoble et dans les Cévennes. Ci-dessous, le communiqué et l’ensemble des photos reçues :