Le championnat de France cordistes 2022 à Lyon, raconté par Éric LOUIS.
Un article paru aujourd’hui sur le blog MÉDIAPART :
« Vous gâchez la fête ! »
L’un des deux patrons qui s’est arrêté devant le stand à peine installé termine ainsi sa péroraison.
Un quart d’heure qu’il est là.
Un quart d’heure à soutenir que la présence de l’association Cordistes en colère cordistes solidaires est une verrue sur un si bel événement.
Un quart d’heure à pointer d’un doigt inquisiteur les différentes brochures étalées sur la table. Pour finir par tendre un menton dégoûté vers les deux affiches collées au mur. Pourtant de format modeste en regard des proportions de cette ancienne usine qui abrite la manifestation. L’une montre un bras ensanglanté, gisant au sol sous le slogan « Mon métier vous fait rêver ? Moi il m’a tué. » Sur la seconde, une petite fille tient la main de sa maman partant au boulot, tout équipée, corde sur le dos, légendée « Cordiste, un métier qui tue ». Sur les deux visuels, un rappel glaçant : « Profession cordiste : 26 morts au travail depuis 2006 ».
Cette réalité, Frédéric Foli, le PDG d’Adrénaline, ne veut pas en entendre parler. Pas aujourd’hui. « C’est la fête des cordistes et vous affichez du sang. » A bien y regarder, l’affiche montre un petit filet de sang coulant sur un avant-bras. C’est encore trop. Que doit-il penser des photos et vidéos trash qui illustrent les campagnes de la prévention routière ? Des images qui « ornent » les paquets de cigarettes ?
Il faut dire que l’événement est présenté par ses organisateurs eux-mêmes comme une « belle vitrine » de la profession. L’image est juste. Pour se vendre, il vaut mieux montrer une vitrine bien achalandée que l’arrière boutique. Une centaine de cordistes participent à des épreuves reproduisant des situations d’évolution sur cordes. Épreuves chronométrées. A l’encontre du principe de prudence imposé dans les vraies situations de travail. Ici, les cordes sont flambant neuves. Les baudriers et les vêtements propres. A cent lieux des véritables configurations de chantier. Beaucoup de cordistes concourent pour leur employeur. Les noms des boites fleurissent sur les tee-shirts. Quelques compétiteurs s’amusent. Notamment les filles inscrites aux épreuves, loin de l’esprit de compétition. Leslie, casque rose, effectue ses épreuves avec un tutu multicolore du meilleur effet. Les équipiers du Greta Ardèche Drôme (centre de formation) arborent de printanières chemisettes à fleurs. Mais certains se prennent au sérieux. Ils déambulent dans les allées, démarche de cow-boy. Le pectoral imposant. Le tatouage en exergue. Derrière le stand, Hayli, cordiste anglaise installée en Ardèche, les suit de ses grands yeux bleus luminescents. Et lâche, avec son accent inimitable : « C’est vraiment un concours de bites ! ». LIRE LA SUITE