PRESSE – Solidarité et fraternité au Ministère du travail

Paru sur Le Club Médiapart, 5 mars 2023

Ce samedi 4 mars, à deux pas du ministère du travail, des proches de victimes d’accidents du travail étaient réunis, à l’initiative du collectif Stop à la mort au travail. Face à la violence des faits, à la froideur des institutions se sont opposées la solidarité, la chaleur humaine, la dignité.

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L’ambiance n’est pas pesante. Même si les corps sont tendus par le stress. Par l’appréhension des premières fois. Par le froid.

A Paris, la grisaille domine ce samedi 4 mars. Au ras du pavé, l’atmosphère est moins morose que le ciel, malgré la cause commune qui unit les 200 personnes devant le square d’Ajaccio. Banderoles, portraits souriants des disparus, slogans revendicatifs, généreux paniers de victuailles, bouquets de roses blanches amènent de la vie sur ce morne coin de bitume.

La mort au travail ne les fait pas rire. Toutes celles et ceux qui partagent le pique-nique et la chaleur humaine ce midi ont perdu un fils, un mari, un frère, un père… Toutes et tous attendent des réponses à leurs questions. Ont cette envie commune de lever l’omerta honteuse qui règne sur ce fait de société. Ont ce désir farouche de faire bouger les lignes. En s’unissant.

Les embrassades succèdent aux accolades. Quelques larmes coulent, pour certains le drame est encore récent. La fraternité les soude. La solidarité les rend conscients de leur force. Une force collective qui les porte. Qui leur donne la détermination d’organiser ce rassemblement au cœur de Paris, arrivant des quatre coins de la province. Qui leur donne le courage de parler aux nombreux journalistes présents. Qui leur donne l’audace de solliciter sans complexes la puissance publique.

Le tout jeune collectif Stop à la mort au travail sera reçu au ministère, de l’autre côté de la rue. C’est déjà la seconde fois en l’espace d’un mois. Trois heures d’entretien, au cours desquelles la vingtaine de membres reçus ont pu exprimer la douleur qui les étreint. Ont eu le sentiment d’être écoutés. Les photos de leurs fils, de leurs maris ont été déposées sur les marches du ministère. Les portraits seront également exposés sur les tables lors de la rencontre, tel un rappel incessant.

Comme un symbole: ce ne sont pas des chiffres, des statistiques.

Comme un avertissement. Attention, ils vous regardent.

Les protocoles sont bousculés. Celles et ceux qui sont là ont toute légitimité pour provoquer ce bouleversement.

Il faudra sans cesse le rappeler, le marteler: en 2021, 604 565 accidents du travail ont entraîné un arrêt de travail ou une invalidité. Plus de 1600 par jour !

Au moins 645 travailleurs sont morts au travail. Plus de 2 par jour ouvrable.

Ceci dans l’indifférence générale.

Et encore, ces chiffres, publiés par la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (CNAM) en fin d’année 2022, ne comptabilisent pas les travailleurs indépendants, les agriculteurs, les pêcheurs, les agents du service public… Pas davantage les travailleurs clandestins. Ils n’ont pas fait l’objet de commentaires dans les médias. N’ont pas été suivis d’analyses. De questionnements.

Au-delà des chiffres, ce sont des vies qui ont été fauchées. Souvent en pleine jeunesse.

Flavien, Benjamin, Lénaïc, Ludovic, Yucel, Steven, Romain, Adrien, Pierrick, Hugo, Alban, Maxime, et bien d’autres, seront nommés pour un appel aux morts. Leurs âges jettent un froid glacial. 27 ans. 19 ans. 17 ans. 15 ans !

Après chaque nom, retentit un « Mort au travail ». Qui fait écho au « Mort pour la France » scandé devant les monuments aux morts du pays lors des cérémonies célébrant les armistices des deux guerres mondiales.

Puisque les autorités faillissent, les familles inventent ici leur cérémonie. Loin de toute contrition, de toute lamentation. Une longue salve d’applaudissements viendra ponctuer cet appel.

Ce samedi, on n’a pas vu des gens abattus, on a vus des gens déterminés.

Et surtout, dignes.

La banderole déployée en face du ministère.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Fabienne Bérard, une des fondatrices du collectif.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Travailler peut tuer.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

De nombreux médias sont présents.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Un rassemblement sous haute surveillance.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Le ministère. © Cordistes en colère, cordistes solidaires

Les portraits posés devant l’entrèe principale du ministère.
© Michel Bianco

La rencontre au ministère. © Michel Bianco

Slogan. © Cordistes en colère, cordistes solidaires

Au-delà des chiffres, des noms.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Au-delà des chiffres, des noms.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

Un fait de société.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

La trop longue liste des cordistes morts au travail.
© Cordistes en colère, cordistes solidaires

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