Chez Cristal Union, la mort qui rôde dans les silos est une salope

CORDISTES MORTS ÉTOUFFÉS SOUS LE SUCRE :
Comment le respect d’une réglementation en vigueur depuis 1956 (!) et «un minimum d’anticipation» auraient pu éviter un drame, puis neuf ans de cauchemars aux proches des victimes.

Crédit photo :  Arakné Travaux d’accès difficiles

13 mars 2012. À Bazancourt, dans la Marne, quatre cordistes descendent au fond d’un silo de cinquante-quatre mètres de haut. Sous leurs pieds, dix à quinze mètres de sucre. Deux hommes seulement remonteront vivants. La formation d’un cratère dans la masse de matière instable sur laquelle ils travaillaient ensevelira leurs deux collègues, inexorablement, sous des milliers de tonnes de sucre. Arthur Bertelli et Vincent Dequin, 23 et 33 ans, ne reverront jamais le jour.

21 septembre 2021. Le géant sucrier Cristal Union (Daddy, Erstein…) et Carrard Services, son prestataire de nettoyage, seront de nouveau jugés à la cour d’appel du tribunal de Reims après avoir fait appel au terme d’une première audience en janvier 2019. Pour les proches, pour les collègues de ces deux cordistes, le cauchemar se poursuit neuf ans et demi après les faits.

Éric Louis, qui verra son collègue de 21 ans, Quentin, périr dans les mêmes circonstances, dans un silo voisin du même site de Cristal Union cinq ans plus tard, revient avec une précision glaçante sur ce drame qu’un treuil d’évacuation, une paire de talkies-walkies et « un minimum d’organisation et d’anticipation de la part des employeurs » auraient pu éviter.

 

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Un matin de printemps 2012, vers 8 heures, l’équipe de cordistes arrive sur le site de la sucrerie Cristal Union, à Bazancourt.

Il y a là Roger, le chef d’équipe. Mustapha, posté en tant que vigie. Eux resterons en haut. Abdelamid, salarié de Carrard Services, ainsi que Frédéric, Vincent et Arthur, intérimaires, descendront au fond.

Passées les formalités d’accueil en usage, ils se dirigent vers le silo n°4. Commencent à décharger leur matériel, et l’entreposent au rez de chaussée du silo. Les cordes impeccablement lovées, les lourds sacs contenant les harnais, les mousquetons, descendeurs, anti-chutes, anneaux de sangle… Également les pelles, les pioches, les griffes. Ils entassent le tout dans le monte-charge exigu qui transportera aussi les hommes au sommet du cylindre de béton, 54 mètres plus haut. LIRE LA SUITE

TÉMOIGNAGE – Fanny et Marion

 Quand des proches racontent le drame des accidents du travail

LIRE le TÉMOIGNAGE INTÉGRAL

Fanny et Marion étaient respectivement les compagnes de Vincent Dequin et Arthur Bertelli.
Un matin de mars 2012, les vies de ces deux jeunes cordistes sont emportées au fond d’un silo à sucre de l’usine Cristal Union à Bazancourt.

Neuf ans après le drame, Fanny et Marion ont pris la plume pour raconter leur triste expérience.

Il est rare de prendre le temps d’écouter celles et ceux qui restent.
Comment ces vies se retrouvent chamboulées du jour au lendemain.
Comment de tels drames mettent à l’épreuve les corps, les esprits, toutes les petites choses du quotidien et toutes les grandes choses que l’on projetait…
Comment l’on se découvre des forces insoupçonnées pour affronter les épreuves.

Tout cela, Fanny et Marion ont pris le temps de le coucher à l’écrit pour le partager.

Un très beau texte, touchant et précieux en ce qu’il donne à voir une autre facette des drames que sont les accidents du travail.
Et puis, c’est aussi une belle ode aux métiers de la hauteur.
Une passion de la corde, de la montagne et du rocher que Fanny et Marion arrivent très bien à nous faire ressentir.

Neuf ans après le drame, la procédure judiciaire est toujours en cours.
Neuf ans après, les proches d’Arthur et Vincent attendent toujours des réponses.

Mardi 21 septembre se tiendra à Reims le procès en appel de cet accident.


Et un film documentaire :

FANNY ET MARION
un film de Elie Cuxac
Atelier Cinéma Université de Paris Année 2020 – 2021

En parallèle du témoignage écrit que nous offrent Fanny et Marion, des étudiants en cinéma ont choisi de capter leurs témoignages au travers d’un court documentaire.
Une belle vidéo qui revient sur l’accident de travail qui a coûté la vie à leurs compagnons et sur les années d’attente que justice soit rendue.
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Réalisé par Elie Cuxac / Image de Sarah Faget / Son de Camille Charles / Monté par Camille Charles, Elie Cuxac et Sarah Faget  / Réalisé dans l’Atelier de Master «  Corps étranger », dirigé par Sophie Bredier

 

FRANÇOIS – La faute inexcusable de l’entreprise GARELLI reconnue

Article paru sur France Bleu Drôme-Ardèche le 07/09/2021

Le pôle social du tribunal de Valence a rendu son délibéré : la faute inexcusable de l’entreprise niçoise Garelli a été reconnue dans l’affaire François Chirat, ce cordiste, originaire de Crest, dans la Drôme, mort sur un chantier en 2018. L’entreprise va aussi verser 100.000 euros de dommages et intérêts à la famille.

Un soulagement pour la famille : « _C’est une grande victoire dans le sens ou la faute inexcusable à été reconnue_. L’argent ne remplacera jamais mon frère mais au moins il ne sera pas mort dans l’indifférence généralisée. C’est une étape importante qui est franchie, la famille va pouvoir continuer à vivre« , a réagi Marc Chirat, le frère de la victime. – LIRE LA SUITE>

FRANÇOIS – Déroulé du procès (15 juin 2021)

Mardi 15 juin 2021 à Valence, était jugée la faute inexcusable des entreprises Garelli et Manpower dans l’accident qui a coûté la vie à François Chirat en juillet 2018.  Le 9 juillet, François chutait d’une dizaine de mètre sur un chantier à la Roquette-sur-Var. Le 20 août 2018, 43 jours après, il perdait la vie des suites de ses blessures. L’avocat de la famille de François a fait valoir plusieurs défaillances sur ce chantier le jour de l’accident : trois intérimaires sans chef d’équipe, pas de Plan particulier de sécurité et de protection de la santé, pas de formation renforcée à la sécurité,…
De leur côté, les entreprises Garelli et Manpower nient toute responsabilité.

Le délibéré sera rendu le 2 septembre 2021.


REVUE DE PRESSE

La mort mystérieuse d’un cordiste devant la justice
Nice-Matin
, 14/06/2021

La famille d’un cordiste drômois
demande justice après sa mort sur un chantier

France Bleu Drôme-Ardèche, 16/06/2021

Après le décès d’un cordiste drômois :
« Il y a une faute inexcusable de la part de son employeur »

Dauphiné Libéré, 16/06/2021

DÉLIBÉRÉ – Décès de Mickaël : Sud Acrobatic et Eiffage condamnés

Le 7 mai 2021, se tenait au tribunal de Nîmes le procès de l’accident mortel de Mickaël Beccavin.
Ce matin (vendredi 4 juin), le délibéré a été rendu.

Sud Acrobatic est relaxée du chef d’homicide involontaire.
Sud Acrobatic est en revanche condamnée à 4000 € d’amende pour « réalisation de travaux sans remise d’un Plan particulier de sécurité et de protection de la santé ».
Sud Acrobatic n’est condamnée à verser aucune indemnité aux proches de Mickaël.

Eiffage construction Languedoc-Roussillon est reconnue coupable « d’ homicide involontaire par personne morale dans le cadre du travail ».
Eiffage est également reconnue coupable « d’avoir eu recours à de la sous-traitance sans faire accepter le sous-traitant par le maître d’ouvrage ».
Enfin, concernant le recours non justifié à des travaux sur cordes plutôt qu’à toute autre solution de protection collective, Eiffage est reconnue coupable de « mise à disposition pour des travaux en hauteur temporaires de plan de travail non conforme ». Pour ces trois chefs d’inculpation, Eiffage est condamné à une amende 100 000€ et à verser des dommages et intérêts aux proches de Mickaël.

L’entreprise Ciciarelli n’existant plus suite à sa fusion-absorption par l’entreprise SIM Fermetures, cette dernière est « relaxée des fins et poursuites ».

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LIRE ICI tous les articles parus à propos de cet accident

FRANÇOIS – Procès de l’accident le 15 juin à VALENCE (Rassemblement dès 8h30)

FRANÇOIS – UN CORDISTE MORT AU TRAVAIL
La faute inexcusable des employeurs en question

Le 20 août 2018, François Chirat perdait la vie des suites de ses blessures après un accident de travail survenu le 9 juillet.
Resté entre la vie et la mort pendant de longues semaines au CHU de Nice et en dépit de lourdes interventions chirurgicales, il n’a pas pu être ranimé.
Le jour de l’accident, il découvrait un chantier entamé la semaine précédente par d’autres employés : Travaux de sécurisation d’une route dans l’arrière-pays niçois connu pour des éboulements récurrents sur ses voies de circulation.

À 54 ans, diplômé de son certificat d’aptitude obtenu en 2004, François pratiquait les travaux sur cordes depuis 14 années, jusqu’à cet accident. C’était un cordiste expérimenté et mature.
Malgré son ancienneté, le jour du drame il travaillait en intérim, missionné par Manpower pour le compte de l’entreprise de travaux publics Garelli.

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PRESSE – Chute mortelle d’un cordiste à Nîmes : « Apparemment, tout le monde était pressé sur ce chantier »

Article paru dans le Monde le 08/05/2021

Les entreprises Eiffage Construction Gard et Sud Acrobatic ont comparu vendredi, devant le tribunal correctionnel de Nîmes pour homicide involontaire, après la mort, en 2018, d’un cordiste sur un chantier de la ville.
Par Aline Leclerc(Nîmes (Gard), envoyée spéciale)

Pour expliquer les causes de la mort de Mickaël Beccavin, survenue après une chute de plus de 10  mètres le 6 mars 2018 à Nîmes (Gard), on peut zoomer sur l’extrémité d’une corde effilochée. Ou opter au contraire pour le plan large, à même d’englober ce qu’était en 2018 l’immense chantier du Trigone, devenu aujourd’hui cet ensemble d’immeubles colorés qui accueille le visiteur dans la ville dès la sortie de la gare.

C’est entre ces deux points de vue sur un même drame que l’audience a navigué tout au long de la journée du vendredi 7 mai, au sein du tribunal correctionnel de Nîmes. Deux entreprises comparaissaient pour homicide involontaire : la société de travaux sur cordes Sud Acrobatic, et l’entreprise Eiffage Construction Gard. Poursuivie pour le même chef d’accusation, mais liquidée en 2019, la société Ciciarelli, chargée de la confection des balcons, n’était pas représentée. Au grand dam des parties civiles, qui déploraient que seules les personnes morales aient été poursuivies, mais ni le chef de chantier ni le coordonnateur de la sécurité. LIRE LA SUITE

MICKAËL – Déroulé du procès (7 mai 2021)

Vendredi 7 mai 2021, se tenait à Nîmes le procès de l’accident du travail qui a coûté la vie à Mickaël Beccavin le 6 mars 2018. Le parquet demande que les entreprises Sud Acrobatic et Eiffage soient reconnues coupables d’homicide involontaires et soient condamnées respectivement à 10 000€ et 100 000€ d’amende.

Le délibéré sera rendu le 4 juin 2021.

Retour sur cette audience où l’association Cordistes en colère, cordistes solidaires étaient constituée partie civile.


REVUE DE PRESSE

100.000 euros d’amende requis contre une entreprise
après la mort d’un cordiste à Nîmes
France Bleu, 07/05/2021

Mickaël tué après une chute sur un chantier à Nîmes :
« ce procès doit être un message fort sur la sécurité des cordistes »

France 3 Occitanie, 07/05/2021

Chute mortelle d’un cordiste à Nîmes :
« Apparemment, tout le monde était pressé sur ce chantier »

Le Monde, 08/05/2021

Nîmes : le cordiste meurt sur un chantier, 100 000 € requis contre Eiffage
Midi Libre, 09/05/2021

Chute mortelle
La Gazette de Nîmes, 13/05/2021

Midi Libre, 06/05/2021

ENTRETIEN – ADRI’: trois ans chez Sud Acrobatic. Une histoire d’habitudes…

Entretien réalisé en février 2019.
Adri’, cordistes chez Sud Acrobatic de 2012 à 2015

Sud Acrobatic, Collégiale Saint Jean, Pézénas (34)

– Tu as donc bossé chez Sud Acrobatic.

– Ouais, en gros j’y ai travaillé de septembre 2012 à mi-août 2015. J’ai fait un an de formation en alternance avec le GRETA de Die, donc comme apprenti. Et après, il était content de ce que j’avais fait, du coup il m’a reproposé un CDI au bout de… ben un an, à la fin de mon contrat pro. J’ai fait deux ans de CDI. On touchait un peu à tout. Majoritairement de l’urbain, un peu de TP et d’indus de temps en temps.

– Juste après ton départ en 2015, il y a eu un premier accident grave, celui d’Adrien Santoluca.

– Ça devait être un peu moins d’un mois après que je sois parti. Adrien devait prendre ma place dans l’entreprise, récupérer le poste vacant, pour que le patron puisse avoir un binôme de base, une équipe calée.
J’ai appris l’accident par téléphone, c’est un des collègues qui m’a appelé pour me dire qu’il s’était cassé la gueule, qu’il était passé à travers le toit. C’était quand même assez sérieux. Je l’ai appelé pour prendre des news. Et bon, il était pas en grosse forme. Après, l’autre problème c’est qu’à l’hosto, il a eu des grosses complications. Ça n’a pas facilité son rétablissement. Mais bon voilà, lui, il est toujours là. Chapeau l’artiste. LIRE LA SUITE