Intérimaires, embauché(e)s, indépendant(e)s : lutte, entraide, partage d'infos et témoignages
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En tout début de semaine, lundi 8 décembre, un nouveau collègue cordiste a perdu la vie au travail à Saint-Herblain près de Nantes. Une infinie tristesse à laquelle on ne pourra jamais s’habituer… Alors qu’il travaillait en haut d’un immeuble, c’est une chute d’une vingtaine de mètres qui a coûté la vie de ce collègue âgé de 53 ans. Nous ne connaissons pas à ce stade les circonstances du drame. Les mots sont durs, mais ne font finalement que refléter la triste réalité de notre profession. Cette tragédie s’ajoute à la (déjà trop longue) liste de nos collègues décédés et la porte au nombre de 37 cordistes morts au travail depuis 2006. En ce moment très douloureux, d’autant plus à l’approche des fêtes, toutes nos pensées et notre soutien vont vers sa famille, ses amis, son collègue de travail témoin de ce terrible drame…
Aucun travail ne mérite d’y laisser sa vie. Plus que jamais, restons prudents et solidaires
Bientôt en 2026, bientôt le moment de se retrouver pour faire un bilan de nos luttes en cours, pour se renforcer mutuellement et pour échafauder la suite ensemble!
Et oui, la week-end de rencontre 2026 des ouvrières et ouvriers cordistes approche à grands pas ! Cette prochaine édition aura lieu les 14 et 15 février 2026 à Marseille. La plupart des activités se dérouleront au centre social autogéré LA DAR (127 rue d’Aubagne, 13006 Marseille).
Le programme du week-en est encore en cours d’élaboration, mais d’ores et déjà vous pouvez bloquer la date dans vos agendas et vous inscrire via ce lien (inscription nécessaire pour dimensionner l’hébergement et les repas) : https://forms.gle/fQf5L8veaz1Z3KHr9
Le pont de neige s’était écroulé en blessant un cordiste : son entreprise condamnée Le 15 septembre dernier, le tribunal de Bonneville jugeait une affaire d’accident du travail qui s’était déroulé aux Houches le 6 août 2021 [voir le précédent article ci-dessous]. Un cordiste de 25 ans avait été blessé suite à l’effondrement du pont de neige sur lequel il intervenait. Amarré à la falaise, le jeune homme avait effectué un mouvement de pendule et heurté la roche, ce qui avait entraîné de lourdes séquelles sur sa santé. Le tribunal a rendu son délibéré ce jeudi 20 novembre. La SAS NGE Fondations est reconnue coupable de “blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail”, et “de réalisation de travaux de bâtiment ou génie civil sans remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs”. Elle écope de 30 000 € d’amende dont 20 000€ avec sursis. Elle devra aussi verser 5 100 € aux parties civiles (le cordiste et ses parents, chez qui il vivait au moment de l’accident).
Le 30 mars 2023, une explosion est entendue autour du site d’ArcelorMittal Dunkerque. Un incendie se déclare dans le haut-fourneau numéro 4 (en image). – Photo Marc Demeure
Ci-dessous l’article paru aujourd’hui dans la Voix du Nord concernant l’exposition à l’amiante de plusieurs centaines de personnes sur le site Arcelor Mittal de Dunkerque entre avril et mai 2023. Parmi elles, l’inspection du travail relève 85 salariés directement exposés dont 36 cordistes de la société NORD ACCESS et 14 de la société ALTITUDE 44.
Contre ces sociétés et l’ensemble des autres entreprises sous-traites concernées, l’inspection du travail reproche le fait d’avoir exécuté des travaux en n’exigeant pas la production d’un rapport de repérage de l’amiante avant travaux.
Jeudi 5 décembre 2024, il y a près d’un an, au 7 rue de Verdun il est 9 heures le procès va commencer. Nous sommes deux de l’association à être présents en plus des proches de notre collègue cordiste qui a chuté lourdement en 2021. On est venu à Valence pour le soutenir, l’accompagner dans la salle du procès et suivre les débats. Il est 9h05, les dossiers s’enchaînent au pôle social.
Certains dossiers ne seront pas plaidés, celui de notre collègue si. Ce sera le deuxième. On attend une heure dans la salle de l’audience à écouter la première affaire. Une fois les premiers avocat·es partis, c’est à notre tour. Théo est présent avec son avocat Me Stéphane Teyssier. Il y a aussi les avocat·es de la défense : l’agence d’intérim Menco et l’entreprise de travaux sur cordes Altitude Construction qui sont appelées à comparaître ce jour-là pour s’expliquer sur leur supposée faute inexcusable ayant contribué à l’accident.
Le 9 septembre 2021, soit quatre jours après ça prise de poste, Théo chute sur le dos.
Sur ce chantier, ils sont trois, lui, un autre intérimaire et le chef d’équipe qui est embauché. Si contrairement à Théo les autres collègues ont plusieurs années d’expérience, tous sont uniquement titulaires du CQP1, premier niveau de formation cordiste. À son arrivée, Théo ne reçoit aucune formation renforcée à la sécurité. Celle-ci est pourtant imposée par le code du travail lorsque des intérimaires (et CDD) sont affectés sur un poste à risque (les travaux en hauteur font parti de ces risques). En lieu et place, c’est sur le tas que Théo découvre les choses. Le chantier consiste à poser du grillage pour sécuriser un talus surplombant une petite falaise de cinq mètres. Le premier jour, au moment de mettre son baudrier, l’un des collègues lui dit « Tu peux tout de suite enlever ton anti-chute de ton baudrier, tu verra avec les machines on galère déjà sur une corde. » Débutant dans le métier et n’ayant aucune expérience dans le TP, Théo n’ose pas contre argumenter sur la sécurité. Dès lors, l’ensemble de l’équipe travaillera sur une seule corde pendant toute la semaine. Pour gagner quelques minutes de temps de travail ? Par d’ancestrales habitudes ? En tout cas, même le patron qui le mardi vient travailler sur le chantier ne soulève pas cette défaillance de sécurité pourtant élémentaire, mais qui semble si terriblement quotidienne.
En ce début d’année très chargée pour l’association, on vous propose une petite soirée d’échange et de discussions ! Pour la première fois, on intervient dans les Hautes Alpes pour se rencontrer entre cordistes qui habitent ou qui travaillent dans le coin. On se retrouve le 8 novembre au café associatif le Blaisance à Tresscleoux.
Au programme : – 18h venez discuter de vos conditions de travail, – 19h30 repas ouvert à toutes et à tous, – 20h15 projection du film « Cordiste une professions mortel » suivie d’un échange sur les accidents de travail.
On vous attend nombreux et nombreuses le 8 novembre au Blaisance. Si tu connais un.e cordiste dans le coin, transmets lui le message pour venir nous rencontrer !
Le 30 mars 2023, une explosion détruit une partie du haut-fourneau n°4 du site d’Arcelor Mittal de Dunkerque. Suite à ça et durant les mois d’avril et mai, près d’une centaine d’ouvriers dont des dizaines de cordistes de deux sociétés distinctes interviennent dans les décombres et sur les structures calcinées, notamment pour la dépose de la toiture et de la charpente.
Au bout de près de deux mois de travaux les salariés apprennent que la majeure partie des structures sur lesquelles ils interviennent contiennent de l’amiante ou sont recouvertes de poussières amiantées.
Durant ces deux mois, il découpent, meulent, déposent, déplacent,… autant de matériaux amiantés sans aucune protection, formation, ni procédure adaptées.
Fin août 2025, l’inspection du travail de Dunkerque a établi un procès verbal établissant les manquements d’Arcelor Mittal et des sociétés sous-traitantes. Ce PV est transmit au parquet de Dunkerque qui décidera des éventuelles suites judiciaires au niveau pénal.
L’ensemble des salariés ayant travaillé dans cette zone au cours de cette période ont donc été exposés à une quantité importante de fibres d’amiantes. Pour rappel, la particularité de l’exposition à l’amiante est qu’elle ne présente pas de dose seuil en dessous de la laquelle il serait certain de ne pas développer de pathologie. Ainsi, même quelques fibres d’amiantes peuvent, plusieurs années après, déclencher des pathologies graves dont des cancers.
À ce titre, et depuis près de 15 ans, la jurisprudence est extrêmement favorable pour les victimes de telles expositions en leur permettant de reconnaître un préjudice dit d’anxiété, du fait de devoir vivre toute sa vie avec pour épée de Damoclès le risque d’un jour développer une pathologie.
Plusieurs collègues concernés s’apprêtent à saisir le conseil des prud’hommes de Dunkerque pour demander réparation. Ils sont accompagnés par un cabinet d’avocat spécialisé et l’association ARDEVA basée sur Dunkerque. Le dossier à déposer est simple et vous n’auraient pas de frais d’avocat à avancer (honoraires sur un pourcentage de l’indemnité que vous obtiendrez).
SI VOUS FAÎTES PARTI DES CORDISTES EXPOSÉS sur ce chantier, c’est le moment ou jamais de vous joindre à cette procédure et obtenir réparation. En effet, vous avez DEUX ANS pour lancer la procédure à compté du moment où vous avez été informés (remise de la fiche d’exposition, ou réception du courrier de l’inspection du travail). Pour certains, ce délai arrivent à échéances dans les jours et semaines à venir ! À noter que la procédure sera dirigée uniquement contre Arcelor Mittal et non pas contre vos employeurs.
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Pour toute information et/ou engager cette procédure, CONTACTEZ DONC AU PLUS VITE :
• L’association ARDEVA de Dunkerque :
03.28.51.16.87 / ardeva5962@orange.fr
• L’association Cordistes en colère, cordistes solidaires :
06 14 70 89 32 / contact@cordistesencolere.fr
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De telle exposition ne sont malheureusement pas isolés dans le quotidien des chantiers.
Pour une fois, tout est facilité pour obtenir réparation et rappeler que ces manquements ont des conséquences graves qui ne peuvent être banalisées !
Alors aucune hésitation à avoir, défendons nos droits !
Mais ?! On est en septembre, ils sont à la bourre ces cordistes en colère et solidaires ! Et oui, à la bourre sur tout les amis. Mais toujours combatifs, et sur tous les fronts à la fois en réalité. L’année 2025 a débuté sur les chapeaux de roues et a poursuivi sur sa lancée sans discontinuer. Procès de l’accident d’Adrien (Sud Acrobatic) à la Cour d’appel de Montpellier, dès le 10 janvier. Procès de l’accident ayant coûté la vie à Régis (CAN) au tribunal correctionnel de Grasse, en mars. Celui de l’accident de Quentin (CAN encore…) au tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse, en juin. Puis celui d’un autre collègue encore accidenté à la CAN devant le Pôle sociale de Valence (plus d’infos à venir), aussi au mois de juin…
Tout ça faisait suite à 2024, également bien chargée avec le procès CAPRAL en décembre, le procès de l’accident de Théo chez Altitude construction en novembre (des nouvelles viendront bientôt) et une énième audience pour Fanny, compagne de Vincent décédé au côté d’Arthur il y a maintenant 13 ans sous des tonnes de sucre d’un silo de Cristal Union. Mais 2024 c’était surtout une hécatombe… quatre collègues qui perdaient la vie : Philippe, Marc, Iason et Chérif…
Sans compter également les accompagnements du quotidien, avec des collègues qui se relaient chaque mois pour tenir la permanence téléphonique de l’association, en se donnant pour mission d’écouter, rassurer, encourager, conseiller et accompagner les multiples collègues confrontés aux bassesses et à la dureté implacable du monde du travail.
Le 2 février 2022, Quentin a 22 ans et travaille pour la CAN en contrat de professionnalisation, il alterne formation et chantier. Ce jour-là, lui et son équipe sont envoyés sur une route départementale de l’Ain pour aller vider un grillage triple torsion rempli de blocs de roches décrochés de la falaise. En milieu de journée, Quentin est surpris par l’éboulement d’une partie des roches qui ne lui laissent pas le temps de s’écarter, le frappent au thorax et l’ensevelissent au niveau des jambes. Atteint de multiples fractures aux deux jambes, Quentin met de nombreux mois à remarcher mais garde des séquelles importantes qui l’obligent d’arrêter le métier de cordiste. Après une enquête de l’inspection du travail établissant de nombreux manquements de son employeur, le parquet de l’Ain décide de renvoyer la société CAN devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires du fait de l’absence d’informations spécifiques à l’intervention et absence de formation adaptée aux risques du chantier. Ce mardi 3 juin 2025, Cédric MOSCATELLI, représentant légal de la société était convoqué à la barre pour s’expliquer de ces chefs d’inculpation. Après une longue audience, son avocat réclame la relaxe de la CAN regrettant un «procès d’intention» visant à «faire porter sur le dos du chef d’entreprise toute la misère du monde». Les juges se retirent et délibèrent le jour même : La CAN est reconnue coupable de tous les chefs d’inculpation et condamnée à 40.000€ d’amende + 800€ à verser au syndicat Solidarité cordistes, partie civile aux côtés de Quentin, au titre du tord causé à l’intérêt collectif de la profession. Une procédure civile est menée en parallèle pour indemniser les préjudices de Quentin. La CAN a dix jours pour faire appel. Dans le cadre de l’accident ayant coûté la vie à Régis en 2018, la CAN et son délégataire ont fait appel dans les jours qui ont suivie leur condamnation par le tribunal de Grasse. Affaires à suivre…
À venir, un récit plus complet de l’accident de Quentin et du déroulé de l’audience.
Ci-dessous, l’article paru dans l’édition d’aujourd’hui du Progrès :
Depuis la période Covid, combien de formations ou accueils sécurité ne sont plus organisés sur le temps et le lieu de travail ? Formation renforcée à la sécurité quand on est intérimaire ou en CDD (livret d’accueil), accueil sécurité pour pénétrer sur un site sensible, … Pour de nombreuses formations du quotidien des chantiers il nous est maintenant demandé d’utiliser des supports numériques en e-learning. Un simple lien envoyé par mail ou sms dédouane l’employeur de ses responsabilités et nous charge d’avoir validé la formation le lendemain avant l’embauche. Outre le format largement questionnable de ces formations low-cost maintenant devenues monnaie courante (aucun accompagnement), se pose aussi la question de la rémunération du temps passé, sur notre téléphone ou ordi perso, le soir chez nous, dans le camion pendant que le collègue conduit sur le retour, … Souvent assez courts dans leur début, ces E-learnings sont maintenant de plus en plus longs et peuvent durer jusqu’à plus de deux heures parfois !
Mais alors temps de travail effectif ou pas ?
Ben, oui déso. Le code du travail et son article L6321-2 ne laissent aucun doute : « Toute action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération. »
Alors peu importe le format, en e-learnig, en distanciel, sur le téléphone de la grand-mère ou du voisin, tout temps passé à suivre une formation à la demande de l’employeur doit être payé en temps de travail effectif, et donc entrer dans le décompte des heures supplémentaires !
Fini de nous faire avoir, maintenant les E-learning on les compte dans les relevés d’heures et ça passe à la caisse à la fin !