Paru sur Le Club Médiapart, 22 décembre 2022
Discrimination à la Tour Eiffel
Fabien, lorsqu’on le sollicite pour revenir travailler sur la 20ème campagne de peinture de la Tour, n’hésite pas longtemps, à l’aune de son expérience passée. Pendant la formation plomb, un simple SMS met fin, avant même qu’elle ne commence, à une période de travail sûre de deux mois. Une éternité, dans le milieu des cordistes où la norme, c’est le contrat d’une semaine renouvelable à l’infini..
Ce lundi 14 novembre 2022, Fabien revient à la Tour Eiffel.
Revient, parce qu’il y a déjà bossé. En tant que cordiste. A l’occasion de la 20ème campagne de peinture.
Environ tous les 7 ans, la vieille dame métallique plus que centenaire reçoit sa petite cure de jouvence. D’autant que bientôt, les yeux et les caméras du monde entier seront braqués sur Paris. Hors de question de montrer un tas de ferraille bouffé de rouille à l’occasion des Jeux Olympiques d’été de 2024 !
Alors, depuis 2019, des équipes se succèdent, pinceau en main. Mais avant la caresse des pinceaux, c’est le fracas des marteaux. Les éléments se corrodent. Les anciennes peintures cloquent. Il faut assainir avant d’appliquer la peinture.
Et au cœur des couches de peintures les plus anciennes, du plomb. Que les ouvriers écaillent. Libérant ainsi de volatiles poussières de plomb sur la capitale. A 200 ou 300 mètres de haut, on n’ose imaginer la portée de ces particules poussées par un vent taquin…
Et que dire des sorties scolaires organisées sur la Tour, dont les gosses mangeaient leur pique-nique, assis par terre, les mains traînant sur le sol contaminé.
A tel point que les médias s’étaient déjà alarmés de ce scandale sanitaire.
Avec l’incendie de Notre Dame en 2019, les parisiens ont plus de chance de choper le saturnisme que de trouver un Vélib en état de rouler.
Les ouvriers sont évidemment en première ligne. Au moins eux portent des protections adéquates.
Ce n’a pas toujours été le cas. En 2020, Fabien, alors en poste sur le monument, avait listé, avec son équipe les carences en terme de protection :
● Cartouches filtrantes non conformes, et au surplus non renouvelées dans les temps.
● Combinaison de travail non-conformes.
● Absence de formation et d’information sur les tâches à accomplir.
● Mode opératoire d’évolution sur la structure non fourni.
● Absence de procédure claire en cas de survenance d’un accident.
● Absence d’encadrants détenteurs du CQP niveau 2.
●Différence de traitement salarial entre les salariés titulaires et les intérimaires.
● Non respect des temps de vacation régissant le port du masque.
● Manque d’équipements.
● Absence de fiches de suivi des EPI. (Équipement de protection individuelle)
● Non respect des règles conventionnelles pour tous les jours de repos en situation de grand déplacement (calendaire, voyage périodique).
● Modification très régulière des protocoles et des horaires des ouvriers
Une fronde avait été menée afin d’obtenir des conditions de travail conformes aux standards en vigueur.
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