RÉCIT : Théo, une chute lors d’un chantier en talus

Jeudi 5 décembre 2024, il y a près d’un an, au 7 rue de Verdun il est 9 heures le procès va commencer. Nous sommes deux de l’association à être présents en plus des proches de notre collègue cordiste qui a chuté lourdement en 2021. On est venu à Valence pour le soutenir, l’accompagner dans la salle du procès et suivre les débats. Il est 9h05, les dossiers s’enchaînent au pôle social. 

Certains dossiers ne seront pas plaidés, celui de notre collègue si. Ce sera le deuxième. On attend une heure dans la salle de l’audience à écouter la première affaire. Une fois les premiers avocat·es partis, c’est à notre tour. Théo est présent avec son avocat Me Stéphane Teyssier. Il y a aussi les avocat·es de la défense : l’agence d’intérim Menco et l’entreprise de travaux sur cordes Altitude Construction qui sont appelées à comparaître ce jour-là pour s’expliquer sur leur supposée faute inexcusable ayant contribué à l’accident. 

Le 9 septembre 2021, soit quatre jours après ça prise de poste, Théo chute sur le dos. 

Sur ce chantier, ils sont trois, lui, un autre intérimaire et le chef d’équipe qui est embauché. Si contrairement à Théo les autres collègues ont plusieurs années d’expérience, tous sont uniquement titulaires du CQP1, premier niveau de formation cordiste. À son arrivée, Théo ne reçoit aucune formation renforcée à la sécurité. Celle-ci est pourtant imposée par le code du travail lorsque des intérimaires (et CDD) sont affectés sur un poste à risque (les travaux en hauteur font parti de ces risques). En lieu et place, c’est sur le tas que Théo découvre les choses.
Le chantier consiste à poser du grillage pour sécuriser un talus surplombant une petite falaise de cinq mètres.
Le premier jour, au moment de mettre son baudrier, l’un des collègues lui dit « Tu peux tout de suite enlever ton anti-chute de ton baudrier, tu verra avec les machines on galère déjà sur une corde. » Débutant dans le métier et n’ayant aucune expérience dans le TP, Théo n’ose pas contre argumenter sur la sécurité. Dès lors, l’ensemble de l’équipe travaillera sur une seule corde pendant toute la semaine. Pour gagner quelques minutes de temps de travail ? Par d’ancestrales habitudes ?
En tout cas, même le patron qui le mardi vient travailler sur le chantier ne soulève pas cette défaillance de sécurité pourtant élémentaire, mais qui semble si terriblement quotidienne.

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ALERTE À DESTINATION DES CORDISTES des cordistes ayant travaillé en avril-mai 2023 sur le chantier HF4 d’Arcelor Mittal Dunkerque.

Le 30 mars 2023, une explosion détruit une partie du haut-fourneau n°4 du site d’Arcelor Mittal de Dunkerque. Suite à ça et durant les mois d’avril et mai, près d’une centaine d’ouvriers dont des dizaines de cordistes de deux sociétés distinctes interviennent dans les décombres et sur les structures calcinées, notamment pour la dépose de la toiture et de la charpente.
Au bout de près de deux mois de travaux les salariés apprennent que la majeure partie des structures sur lesquelles ils interviennent contiennent de l’amiante ou sont recouvertes de poussières amiantées.
Durant ces deux mois, il découpent, meulent, déposent, déplacent,… autant de matériaux amiantés sans aucune protection, formation, ni procédure adaptées.
 
Fin août 2025, l’inspection du travail de Dunkerque a établi un procès verbal établissant les manquements d’Arcelor Mittal et des sociétés sous-traitantes. Ce PV est transmit au parquet de Dunkerque qui décidera des éventuelles suites judiciaires au niveau pénal.
L’ensemble des salariés ayant travaillé dans cette zone au cours de cette période ont donc été exposés à une quantité importante de fibres d’amiantes. Pour rappel, la particularité de l’exposition à l’amiante est qu’elle ne présente pas de dose seuil en dessous de la laquelle il serait certain de ne pas développer de pathologie. Ainsi, même quelques fibres d’amiantes peuvent, plusieurs années après, déclencher des pathologies graves dont des cancers.
 
À ce titre, et depuis près de 15 ans, la jurisprudence est extrêmement favorable pour les victimes de telles expositions en leur permettant de reconnaître un préjudice dit d’anxiété, du fait de devoir vivre toute sa vie avec pour épée de Damoclès le risque d’un jour développer une pathologie.
 
Plusieurs collègues concernés s’apprêtent à saisir le conseil des prud’hommes de Dunkerque pour demander réparation. Ils sont accompagnés par un cabinet d’avocat spécialisé et l’association ARDEVA basée sur Dunkerque. Le dossier à déposer est simple et vous n’auraient pas de frais d’avocat à avancer (honoraires sur un pourcentage de l’indemnité que vous obtiendrez).
 
SI VOUS FAÎTES PARTI DES CORDISTES EXPOSÉS sur ce chantier, c’est le moment ou jamais de vous joindre à cette procédure et obtenir réparation. En effet, vous avez DEUX ANS pour lancer la procédure à compté du moment où vous avez été informés (remise de la fiche d’exposition, ou réception du courrier de l’inspection du travail). Pour certains, ce délai arrivent à échéances dans les jours et semaines à venir ! À noter que la procédure sera dirigée uniquement contre Arcelor Mittal et non pas contre vos employeurs.
 
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Pour toute information et/ou engager cette procédure, CONTACTEZ DONC AU PLUS VITE :
L’association ARDEVA de Dunkerque :
03.28.51.16.87 / ardeva5962@orange.fr
L’association Cordistes en colère, cordistes solidaires :
06 14 70 89 32 / contact@cordistesencolere.fr
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De telle exposition ne sont malheureusement pas isolés dans le quotidien des chantiers.
Pour une fois, tout est facilité pour obtenir réparation et rappeler que ces manquements ont des conséquences graves qui ne peuvent être banalisées !
Alors aucune hésitation à avoir, défendons nos droits !

Ré-adhérer ou rejoindre l’association en 2025 !

Mais ?!
On est en septembre, ils sont à la bourre ces cordistes en colère et solidaires !
Et oui, à la bourre sur tout les amis.
Mais toujours combatifs, et sur tous les fronts à la fois en réalité.
L’année 2025 a débuté sur les chapeaux de roues et a poursuivi sur sa lancée sans discontinuer.
Procès de l’accident d’Adrien (Sud Acrobatic) à la Cour d’appel de Montpellier, dès le 10 janvier. Procès de l’accident ayant coûté la vie à Régis (CAN) au tribunal correctionnel de Grasse, en mars. Celui de l’accident de Quentin (CAN encore…) au tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse, en juin. Puis celui d’un autre collègue encore accidenté à la CAN devant le Pôle sociale de Valence (plus d’infos à venir), aussi au mois de juin…

Tout ça faisait suite à 2024, également bien chargée avec le procès CAPRAL en décembre, le procès de l’accident de Théo chez Altitude construction en novembre (des nouvelles viendront bientôt) et une énième audience pour Fanny, compagne de Vincent décédé au côté d’Arthur il y a maintenant 13 ans sous des tonnes de sucre d’un silo de Cristal Union.
Mais 2024 c’était surtout une hécatombe… quatre collègues qui perdaient la vie : Philippe, Marc, Iason et Chérif…

Sans compter également les accompagnements du quotidien, avec des collègues qui se relaient chaque mois pour tenir la permanence téléphonique de l’association, en se donnant pour mission d’écouter, rassurer, encourager, conseiller et accompagner les multiples collègues confrontés aux bassesses et à la dureté implacable du monde du travail.

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PROCÈS DE L’ACCIDENT DE RÉGIS : récit de la journée d’audience et condamnation de la CAN

Crédit photo : France 3 Côte d’Azur

Le vendredi 7 mars 2025, l’entreprise CAN était jugée pour homicide involontaire sur la personne de Régis Brugière.
Le 27 août 2018, sans aucune formation en la matière, ce jeune cordiste de 38 ans est envoyé fragmenter un rocher à l’aide de cartouches pyrotechniques de catégorie P2.
Heurté à la tête par un éclat de roche au moment de l’explosion, Régis meurt sur le coup.

« Plaise au tribunal que je montre la photo du bonheur d’une mère, la dernière de mes trois beaux garçons en pleine forme, unis, joyeux, heureux dans leurs vies personnelles, pères de famille responsables et aimés. Voilà notre famille une semaine avant qu’elle ne soit détruite ! »

Il est midi. Pile au mitan de cette audience qui durera six heures. Martine est à la barre. Courageusement, elle livre sa pensée.
Sa vision des choses. Sa révolte. Son chagrin de mère.
Dignement, calmement, posément.
Comme elle l’a fait le matin même, droite face à la caméra des journalistes de France 3.
Comme elle l’avait fait face à celle de Franck, en 2021, devant les portes obstinément closes de la CAN, l’entreprise au sein de laquelle son fils a perdu la vie.
Les trois prévenus sont à quelques mètres d’elle. Têtes basses.
Plus de six ans qu’elle attend ce moment.

« Au vu de ce qu’il m’ apparaît dans ce dossier, rien n’a été mis en œuvre par les personnes jugées ce jour pour protéger leur ouvrier, je les qualifie d’imprévoyants, de désinvoltes et finalement d’incompétents puisque responsables par leurs manquements divers du décès de mon fils. »

Plus de six ans qu’elle attend des réponses à ses questions.

« Je veux comprendre comment des dirigeants de cette société ont traité le sujet de la sécurité avec tant de désinvolture. »

Questions auxquelles les dirigeants de la CAN n’ont jamais daigné répondre.
Et pour cause ! Bombardés de ces questions par l’avocat de la famille et par Grégory, au nom de l’association Cordistes en colère cordistes solidaires, qui s’est constituée partie civile, Cédric Moscatelli et Ludovic Mouche n’offriront que des réponses bredouillées. Des explications oiseuses. Une dérobade constante et insupportable.
Évoquant la responsabilité d’un lampiste. Jusqu’à celle de Régis lui-même. Inévitable ritournelle des inculpés s’agissant de la mort d’un de leurs employés. Desquels ils sont pourtant tenus de préserver la santé, et d’assurer la sécurité au travail.
Après qu’elle les a entendus, pour Martine la conclusion est claire : « Je considère que ces personnes, par leurs agissements manque de formation pour ce qui concerne Régis et manque d’information pour ce qui concerne l’ensemble du personnel ‒, méritent parfaitement d’être considérées comme hors la loi, et à ce titre durement réprimées. »

Martine retourne s’asseoir auprès d’Émilie, la femme de Régis. Et de Jennifer, la femme de Wilfried, un de ses deux autres fils. Trois femmes côte à côte. Trois femmes unies dans une même douleur. Trois femmes qui pleurent la perte d’un être cher. Puis d’un second. L’an dernier, Wilfried, le frère aîné de Régis, était emporté par la maladie.
Lui qui avait lutté pour l’avènement de la vérité n’assistera pas à l’audience du procès de la mort de son frère. Le malheur sait frapper plusieurs fois au même endroit.

Laurent, le cadet de la fratrie, est absent. Il vit en Australie.

Crédit photo : France 3 Côte d’Azur – JT 12/13 du 7 mars 2025
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12 AVRIL – Atelier sauvetage sur cordes à Marseille + réu cordistes

Salut camarade cordiste!

On organise une journée secours sur corde et échanges autour de nos conditions de travail le samedi 12 avril dans les calanques à Marseille.

Au programme : pratique des secours le matin, un repas partagé, puis échanges sur les actus de la profession et nos conditions de travail l’après-midi.

Pour plus d’info et pour s’inscrire (qu’on prévoie le matos en conséquence), c’est ici : https://framaforms.org/secours-sur-cordes-12-avril…

Partage à tes collègues !

DÉLIBÉRÉ DE LA COUR D’APPEL DE MONTPELLIER : Le gérant de SUD ACROBATIC condamné à de la prison avec sursis


Hier, lundi 4 mars, la Cour d’appel de Montpellier a rendu son jugement concernant le grave accident dont avait été victime Adrien en chutant de 10 mètres au travers d’un toit industriel du port de Sète, en 2015.

Condamnée une première fois en première instance, la société SUD ACROBATIC et son gérant Sébastien Gimard avaient fait appel de leurs condamnations.
La Cour d’appel a tranché et condamné de nouveau l’entreprise et son gérant à 3000€ d’amende pour SUD ACROBTATIC et 6 mois de prison avec sursis pour Sébastien Gimard.

Sur le plan civil, l’entreprise et son gérant ont été jugés « entièrement responsables du préjudice subi par Andrien Santoluca et ont été condamnés à lui payer la somme de 1 000 euros ».

Les indemnités liées à ses nombreux préjudices seront demandées dans une autre procédure au civil, devant le Pôle social du tribunal judiciaire qui devra statuer sur la faute inexcusable de l’employeur.

Nous donnerons plus de précisions sur ce jugement lorsque les motivations écrites de la Cour auront été rédigées.

En tout cas, encore bravo à Adrien pour son courage et sa détermination à faire reconnaître et condamner des pratiques si courantes mais tout autant inacceptables, notamment en terme d’absence de planification et de supervision des travaux en hauteur.

C’est par ce type de jugement que notre profession pourra enfin être tirée vers le haut !


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REVUE DE PRESSE :

7 MARS – GRASSE : Procès de l’accident mortel de Régis, la CAN devant le tribunal correctionnel

Vendredi 7 mars 2025, l’entreprise CAN sera jugée pour homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Grasse (06). Régis, travaillait comme cordiste pour cette entreprise spécialisée dans les travaux sur cordes en milieux naturels.
Fin août 2018 il est envoyé sur un chantier des Alpes-Maritimes pour fragmenter un rocher de plus d’une tonne obstruant un sentier. Pour faire péter l’imposant obstacle, l’employeur le charge d’utiliser des cartouches pyrotechniques de catégorie P2. Régis, comme tous ses collègues à la CAN, ne dispose pas des formations adéquates. Régis n’a même aucune formation pour cela. Heurté à la tête par un impact de roche au moment de l’explosion, il meurt sur le coup.

Six longues années après, la justice se penchera enfin sur les responsabilités ayant conduit à ce terrible accident.
Aux côtés des proches de Régis, l’association Cordistes en colère cordistes solidaires sera partie civile et appelle à un rassemblement de soutien dès 7h30 devant le tribunal.

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Retour sur les rencontres cordistes lilloises 2025

Ces 18 et 19 janvier 2025, c’était les rencontres annuelles des ouvrières et ouvriers cordistes à Lille.
Vous avez raté ça ?
Quelle tristesse pour vous !
Mais vu qu’on est sympas, on vous partage quand même un petit aperçu de tout ça.


Samedi, c’était assemblée générale avec retours sur les actions menées en 2024. Puis des échanges sur les luttes et rapports de force en cours pour obtenir des évolutions réglementaires renforçant toujours plus la sécurité au travail face aux appétences et pressions économiques. Des évolutions réglementaires, pour une supervision des travaux effective et efficace sur chaque chantier. Pour toujours plus de montées en compétences. Pour une réelle existence juridique, administrative et statistique du métier de cordiste. Pour une meilleure compilation des données d’accidents de travail. Pour la définition de vraies recommandations sur les travaux en silos et en milieux naturels… Des échanges aussi, pour tenter de rendre toujours plus efficaces et réactifs nos outils de solidarité, de lutte et d’accompagnement du quotidien aux côtés de nos collègues et leurs proches, quand les drames toujours trop nombreux continuent de se produire. Cette année, sera aussi l’occasion de renforcer à nouveau les liens et la fluidité de fonctionnement entre l’association et le syndicat Solidarité cordistes. Décision est notamment prise que chaque adhérent du syndicat reçoive dans un même temps une adhésion à l’association. Les deux structures fonctionnant de façon conjointe comme une seule et même organisation.

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Cartouches P2 – Alerte sur les formations requises : LA DGT ET LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Longtemps encadrée de flou sur les chantiers du BTP, l’utilisation des articles pyrotechniques de catégorie P2 est pourtant très réglementée. En janvier 2022, la Direction Générale du Travail, publiait une note de rappel à ce sujet.
Cette note a également été reprise par le ministère de la Défense au travers de la lettre N°48 de L’inspection des produits et des poudres (IPE) de janvier 2022.
Ces deux services de l’État rappellent que pour l’utilisation de ces cartouches dites de « déroctage », deux réglementations s’appliquent concernant les formations obligatoires :

1 / LE CODE DU TRAVAIL
et le décret n°87-231 du 27 mars 1987, rendant obligatoire le fait d’être titulaire d’un permis de tir (qui comprend le certificat de préposé au tir dit « CPT »).

2/ LE CODE DE L’ENVIRONNEMENT
au travers de l’articles R. 557-6-13, qui impose d’être titulaire d’un certificat de formation ou d’une habilitation délivré par un organisme agréé par le ministère de la sécurité industrielle.
La liste de ces centres agréés se trouvent ici : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/produits-atmospheres-explosifs
À ce jour, seules deux organismes TSC BRAULT et ONEX TNTP disposent de cet agrément en cours de validité.


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ATTENTION :
toute utilisation de ces cartouches P2 sans CPT (certificat de préposé au tir) ET sans formation spécifique à l’utilisation des P2, expose donc le salarié concerné et son employeur à des poursuites.

En conséquence, N’ACCEPTEZ PLUS DE MANIPULER CES CARTOUCHES SANS CES DEUX FORMATIONS EN COURS DE VALIDITÉ.